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Photo du rédacteurpilhacplansonnier

Le lac kiwu


Mon père cultivait une terre que lui avait cédée son père. Il l’avait héritée de mon grand-père qui l’avait durement acquise. Chaque jour je le voyais prendre ses outils. Le matin, très tôt, il partait travailler son champ. Patiemment, il bêchait, il hersait, il semait. Il tenait son savoir faire de mes ancêtres.

Et moi, assis sous l’arbre centenaire, je le regardais œuvrer. Qu’il était beau, mon père, qu’il était puissant. Il tirait du sol de quoi nous faire vivre.

Quand je fus en âge de l’aider, j’appris à mon tour à cultiver. Je sus alors la peine qu’il fallait donner… Je sus que pour tirer partie de notre terre, je devais livrer une grande bataille contre la nature et les éléments.

J’ai perdu mon père, j’ai perdu ma mère. Mes petites soeurs aussi, ont été assassinées. Tapi au milieu d’un fourré, je les ai vus transpercer les corps, trancher les têtes. Autour de moi, tout n’était que cavalcades, piétinements, un nuage de poussière d’où émanaient des ahanements, des cris d’effroi et de douleur. Combien de temps je suis resté là, paralysé par l’horreur ? Quand le brouillard s’est enfin dissipé, je n’ai pas bougé. Je me suis blotti sous les branchages, les bras serrés autour de mes genoux tremblants. Je n’entendais plus un bruit, pas un seul gémissement. Les cadavres jonchaient le sol et parmi eux pas un seul survivant.

Je suis venu au monde sur les rives du Lac Kivu. Je suis né au coeur de l’Afrique, sur ce tout petit territoire nommé Rwanda.

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