Dessiner, peindre, modeler, c'est - dit-on - s'exprimer. C'est faire une médiation entre dedans et dehors.

Effectivement, entre le besoin de prendre le crayon et l’œuvre que l'on expose, il y a tout un processus. Mais la première étape qui déclenche le processus, c'est bien une histoire de conscience de soi. C'est un ressenti. Celui qui se connaît saura le déceler, le reconnaître et l'analyser. Le besoin de... De quoi ?
Pour moi, ce besoin revêt plusieurs formes. Ça peut être simplement une envie d'utiliser ces crayons de toutes les couleurs alignés dans leur boîte, le bloc de feuilles vierges, ou de sentir la pointe glisser sur les grains fins du papier.

Ça peut-être, comme on assemble les pièces d'un puzzle, de construire l'image sur le Pastelmat. Ça peut être encore le plaisir de maîtriser les traits, les tons. Ou de me fixer un challenge : réussir à rendre le transparent d'une bouteille, le moelleux d'un poil de chat, à reproduire en 3D ce que l’œil voit ou de transférer sur la feuille seulement une ambiance.
Ça peut être le besoin de calme, de cocooning dans mon antre.
Il peut y avoir une motivation d'un autre ordre, plus subtile : le besoin de se libérer d'une émotion, de se libérer d'un traumatisme. Dans ce cas, cela oblige bien l'individu à faire une introspection. On ressent l'émotion. Ça peut être de la joie, de la tristesse, de la douleur… du positif ou du négatif. Mais décider de transcrire d'une façon ou d'une autre ces émotions nécessite un approfondissement de leur teneur, une étude de ce qui se passe en nous. C'est un excellent exercice pour faire des pas dans la conscience de soi.

C'est partir en exploration des espaces personnels très profonds. Cheminer sur les voies intérieures permet de bien connaître ses propres mécanismes. Pourquoi est-ce important ? Parce que savoir détecter, reconnaître une émotion, en avoir pleinement conscience, permet de ne pas se laisser submerger. La conscience de soi permet de s'auto-analyser, de canaliser ses ressentis, de les utiliser à bon escient après avoir trié ceux qui nous mènent vers le positif et cela permet surtout de abstraire du négatif.
Pour moi, le pastel est une méthode cathartique*.
Certaines motivations sont cumulées, bien évidemment.
Créer un tableau, c'est savoir observer ce que l'on a devant les yeux, mais aussi ce que l'on ressent. On intègre l'image, mais une fois en nous, elle fait son chemin, se charge d'émotions, de détails imperceptibles qui n'apparaitront pas forcément au premier regard. Avant de faire le premier point sur la feuille, je regarde longuement l'image, je la pèse, je tente de l'apprendre, de dépasser les limites du cadre pour trouver l'histoire, le contexte, de mémoriser les grandes lignes, les lumières et reflets, les ombres, les couleurs qui donnent les formes, la transparence.
Quand je maîtriserai un peu mieux le coup de crayon et le rendu des formes/couleurs, je pourrai aller plus loin encore dans l'introspection. Je saurai saisir les ressentis, les analyser, et je pourrai alors passer à une autre étape : les distordre ! Je crois qu'il faut aller toucher l'inconscient. C'est dans le psychisme qu'il faut aller puiser. Oublier la raison, les valeurs et partir dans le rêve, l'irrationnel, l’absurde. Mettre à jour toute cette sensibilité perdue, toute les facultés humaines enfouies, réprimées.
Allez ! Je vais retrouver l'homme de Cro-Magnon !
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*méthode cathartique :libératrice, qui purifie.
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